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Denis LÉONIS

Revue de presse politique, économique, environnementale et nouvelles technologies

Si la droite gagne en 2017, elle héritera d’une situation si dégradée qu’assumer enfin un libéralisme économique ne suffira pas à redresser le pays.

Depuis des décennies, les Français, fauteurs de leurs propres troubles, se plaignent de l’inaction de leurs présidents, qu’elle soit assumée de manière goguenarde par Jacques Chirac, masquée par la fébrilité de Nicolas Sarkozy ou fruit des calculs retors de François Hollande. Celui-ci éprouve les pires difficultés à faire accepter par le Parlement les réformes du Code du travail portées par Myriam El Khomri. L’adoption de la révision constitutionnelle sur la déchéance de nationalité est compromise. L’hypothèse que la situation échappe totalement au pouvoir et dégénère en motion de censure et même en dissolution est moins théorique qu’on ne le croit. Les députés socialistes, en effet, n’auront bientôt plus que l’espoir de « tomber à gauche » pour tenter de renouer avec leur électorat. Hollande éprouverait alors le lâche soulagement d’éviter de douloureuses primaires.

Pendant ce temps, la France s’enfonce dans la désindustrialisation, le communautarisme, l’endettement et les fausses réformes d’un secteur public qui fait vivre directement ou indirectement plus de la moitié des votants et parvient donc à se protéger de tout changement significatif. Quant aux autres, ils n’en meurent pas tous, mais tous sont frappés. Et les plus fragiles (jeunes, retraités mal pensionnés, travailleurs sans formation solide) trinquent. 

Pour l’heure, le système tient car l’État garantit tant bien que mal les rentes. Le président de la Banque centrale européenne, Mario Draghi, s’est résolu à nous aider en monétisant notre dette publique. Il le fait pour sauver son Union à bout de souffle : quand la France s’enrhume, l’Europe éternue. Hollande en profite pour protéger sa clientèle électorale, avec une efficacité chancelante qui explique son impopularité. Toute sa politique se résume en ce colmatage.

Qui va tirer parti de cette paralysie ? Celui qui bouge le moins, pardi ! Dans la foire d’empoigne, le tourbillon des vanités où, toutes sensibilités confondues, une bonne centaine de candidats se prennent à rêver, sondages et discussions convergent vers Alain Juppé, qu’on eût autrefois méchamment qualifié de cheval de retour. Qui aurait misé un fifrelin sur cette victime sacrificielle des années Chirac ? 

En fait de retour, Juppé incarne l’espoir d’un « revival » chiraquien, quand les choses allaient mal mais pas au point qu’on en ait gardé de souvenir cuisant. Le maire de Bordeaux n’a pas besoin de son programme, il lui suffit de faire acte d’ancienneté et de présence. C’est un choix par défaut, celui d’une candidature de continuité pour éviter le pire. S’il a survécu, c’est donc qu’il est coriace, pense-t-on. 

De toute façon, chacun est persuadé que la présidence de la République n’est plus qu’une magistrature d’accompagnement, une simple instance de gestion car la France n’a plus barre sur son destin. Juppé ne fera pas grand-chose mais il sera précautionneux, soupire l’opinion. Même ses déboires en justice sont mis à son crédit : il a payé pour son chef et prouvé ainsi sa loyauté. Depuis Dominique Strauss-Kahn, nul n’a vu pareil boulevard politique s’ouvrir devant lui… Trêve d’ironie. Depuis la guerre d’Algérie, la France n’a jamais connu de tels périls au moment où l’institution présidentielle est aux abois. L’ultime privilège du chef de l’État est de nommer des ministres sans pouvoir et des fonctionnaires sans autorité. La prophétie gaullienne se réalise : le trop-plein se mue en vide. Et le nom d’Alain Juppé remplit ce vide.

Il faudrait refaire notre république de fond en comble, en commençant par le plus compliqué : la renégociation de notre adhésion à l’Union européenne. Non seulement parce qu’elle bride la croissance mais parce qu’elle nous habitue insidieusement à renoncer à la maîtrise de notre destinée. Le choc psychologique qui permettrait la réforme interne passe par une remise à plat de l’ordre européen. 

L’audace est devenue une nécessité. Prenons l’exemple de la question laïque. Après les crimes de janvier et novembre 2015, si certains Français musulmans ont naturellement exprimé leur dégoût envers ces attentats, ce mouvement n’a pas été massif. En outre, certains extrémistes n’ont pas caché qu’ils ne condamnaient pas ces attentats perpétrés contre de prétendus blasphémateurs. Par ailleurs, le port du voile dans les rues progresse. Cette réaffirmation bravache d’une identité fondée sur la religion s’accompagne du regain de revendications communautaires à l’université, l’hôpital et d’autres lieux publics.

Que fait le gouvernement ? Le contraire de ce que l’état du pays réclame. Il réagit peureusement et va jusqu’à introduire dans le projet de loi ­El Khomri des dispositions qui rendrait impossible l’interdiction des signes religieux ostentatoires dans les entreprises. Pour autant, les candidats potentiels à la primaire de la droite font-ils montre de plus de courage à cet égard ? Tous restent allusifs. Sur le sujet central de la défense de la laïcité, la droite dite républicaine marche sur des œufs. En 2015, Nicolas Sarkozy se déclarait favorable à l’interdiction du port du voile à l’université et, peu après, confiait un rapport sur ce sujet à deux députés. Sa publication a été reportée aux calendes grecques au prétexte de polémique sur les déclarations de Nadine Morano. Quant à François Fillon et Bruno Le Maire, à ce jour, ils ne se sont pas déclarés favorables à une telle interdiction. 

Comme Sarkozy en 2007 ou Hollande en 2012, les candidats de 2017 pensent qu’ils pourront éviter le bras de fer avec nos partenaires européens ou l’affrontement avec les fondamentalistes islamistes. Vaine espérance… 

* Ancien élève de l’École nationale d’administration. Président du Parti des libertés et animateur du site d’information satirique Delanopolis.

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